Comment décomposer et mesurer les coûts générés par les stocks?

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Constituer des stocks est indispensable pour couvrir les délais et les aléas encourus par les activités de production, de maintenance, de transport, de vente et de service. En contrepartie, ces stocks génèrent des coûts.

Optimiser les stocks, c'est donc avoir un équilibre raisonnable entre couverture des risques (= taux de service) et ces coûts (= taux de possession). Et pour cela, il est nécessaire de mesurer les deux.

Dans cet article nous nous proposons d'approfondir la structure et la mesure des coûts des stocks.

Le taux annuel de possession de stock

Plus les stocks augmentent plus les coûts induits augmentent. Si cette relation n’est pas parfaitement linéaire, elle reste tout à fait valable macroscopiquement. Les coûts des stocks peuvent donc être approximés en appliquant un coefficient à la valeur moyenne des stocks.

Ce coefficient est appelé taux annuel de possession de stock.

Par exemple, avec un taux annuel de possession de stock de 20%, on estime que la possession d’un stock de 10.000.000€ coûte chaque année 2. 000.000€ à l’entreprise. Cela veut dire que, en moyenne, si cette même entreprise réduit de 10% ses stocks, elle réduira de 200.000€ ses coûts annuels.

Ce taux fait partie des fondamentaux de la Supply Chain. Il est même utilisé pour calculer un lot économique de commande (formule de Wilson bien connue dans le monde de la gestion des stocks). Pour autant, sa mesure précise est bien peu répandue.

Comment mesurer ce taux ? Quelle sont les valeurs moyennes par secteur ?

Sa mesure

Le taux annuel de possession de stock est plus une mesure qu’un calcul. En s’appuyant sur des données de comptabilité analytique, on peut déterminer ce taux en sommant les charges directement liées à la possession de stock (voir détails ci-après) et en ramenant cette somme à la valeur moyenne des stocks :

Cette mesure peut être réalisée à l’échelle d’un Groupe, à l’échelle locale, voire même à l’échelle d’une famille de stock (matières premières, encours, produits finis, exploitation, marchandises, …) selon la finesse de la comptabilité analytique de l’entreprise.

Nous décomposons le taux annuel de possession de stock en 3 catégories.

Coûts d’exploitation

Ils regroupent les charges qui concourent à la gestion physique et logique des stocks.

On retrouve notamment :

- la masse salariale concernée

- l'amortissement des investissement mobiliers (équipements de stockage) et immobiliers (surfaces), ainsi que les frais d'entretien associés

- les équipements informatiques et licences associées

- les frais d'assurance

- les taxes (notamment foncières)

- les prestations intellectuelles : audit, certification 
Coûts financiers

Ils contiennent tout d'abord le coût de l'endettement dû au stock. Posséder du stock, c'est espacer le moment où l'on décaisse une somme d'argent (lorsqu'on achète le produit stocké) et le moment où l'on encaisse la valeur ajoutée (lors de la sortie et de l'utilisation du produit). Entre ces deux moments, l'entreprise doit immobiliser de l'argent : il s'agit du besoin en fond de roulement.

Ce BFR est alimenté par de la trésorerie qui est empruntée soit auprès des actionnaires, soit auprès de banques. Cet emprunt a un coût.

Par ailleurs, le capital investi dans les stocks est un capital pas ou peu productif. Une même somme d'argent investie dans des installations de production par exemple aurait rapporté davantage de valeur. On a donc un manque à gagner en immobilisant de la valeur dans du stock et non dans de l'investissement par exemple.

Ces deux composantes sont synthétisées dans le Coût Moyen Pondéré du Capital (ou WACC Weighted Average Cost of Capital). Ce ratio financier est souvent calculé par les départements financiers.
Coûts d’obsolescence
Ils regroupent les charges de dépréciation de stock et de rebuts physiques liés à la détérioration, la préemption ou l’obsolescence des stocks.

Sa valeur

La littérature présente en général des taux annuels de possession de stock compris entre 15 et 30%. Ces valeurs diffèrent bien entendu selon les secteurs et des typologies de stock. Voici quelques exemples :

  • Les entreprises des secteurs agroalimentaires ont souvent des besoins de stockage spécifiques (frigorifiques notamment) et des montants importants de rebut pour cause de péremption. Ils subissent donc des coûts de possession de stock élevés, avec des taux annuels de possession de stock pouvant atteindre 30%.
  • Les entreprises du BTP consacrent des montants importants pour les engins de manutention de matériaux de construction dont la valeur est faible. Le ratio coûts/stock est donc élevé. Exemple évident : location d’une grue pour manipuler du sable.
  • Les entreprises du secteur du nucléaire, dont les cycles de consommation de stock sont longs, ont d’importantes couvertures de stock. Une grande couverture veut dire stock élevé et relativement peu de mouvement (donc peu de coûts logistiques), c’est-à-dire un ratio coûts/stock faible. Ces secteurs auront donc en général un taux annuel de possession de stock bas, de l’ordre de 20%.
  • Les entreprises du commerce ont à l’inverse des couvertures faibles, c’est-à-dire des stocks bas et beaucoup de mouvements de stock. Ainsi, le ratio coûts/stock sera élevé.

Comme on le voit dans ces exemples, un taux annuel de possession de stock élevé n’est pas une mauvaise nouvelle en soi, car elle est souvent synonyme d’une forte rotation des stocks.

Préférez-vous avoir un stock de 10M€ avec un taux de 20% ? Ou bien un stock de 5M€ avec un taux de 30% ?

La réduction de ce taux n’est donc pas forcément l’objectif à poursuivre. En revanche, sa mesure peut se révéler un outil essentiel pour une saine gestion de stock.

Comment l'exploiter?

Management de la Supply Chain

Une Supply Chain performante est avant tout une Supply Chain maîtrisée. Connaître les coûts de ses différentes composantes (production, stock, transport, …) permet de mieux la piloter et de mieux cibler les actions de performance.

Ainsi, grâce à un taux annuel de possession de stock mesuré finement, on peut cartographier ses coûts à l’échelle d’un site industriel ou d’un Groupe.

Cet outil pourra être utile pour prendre des décisions stratégiques sur le schéma logistique, avec des questionnements de type make or buy .

Enfin, cette logique de mesure de coût peut faciliter un dialogue objectif entre Finance et Supply Chain.

Cadrage d’un plan d'optimisation

Le taux annuel de possession de stock permet d’évaluer les impacts d’un plan d’optimisation de stocks au travers d’un business case. On peut ainsi mettre en balance les ressources investies dans le plan d’optimisation (ressources humaines, matérielles, outils…) et les réductions de coûts associés afin de déterminer un ROI.

Par exemple, si en investissant 50.000€ dans la formation et l’outillage des équipes opérationnelles on parvient à réduire de 1.000.000€ les stocks en un an, et si le taux de possession annuel est de 20%, on économise de manière récurrente 200.000€ par an et donc on peut déterminer que le ROI est de quelques mois...

Activités opérationnelles

Le taux annuel de possession de stock peut également être utile dans les activités opérationnelles Supply Chain. Il permet de réaliser les arbitrages quotidiens nécessaires à l’optimisation des stocks, comme par exemples :

  • Quelle quantité de réapprovisionnement (principe d’équilibrage entre coûts de passation de commande et coûts de possession de stock) ?
  • La mise en place d’un cadencement de livraison avec ce fournisseur serait-elle rentable ?
  • Le déploiement d’un processus de stocks de consignation sur ce matériel serait-il profitable ?
  • Doit-on revaloriser/mettre au rebut partiellement ces stocks qui ont une couverture très longue ?

Conclusion

Le taux annuel de possession de stock est une grandeur très utile pour objectiver les impacts des stocks (trop souvents flous et/ou non suivis).

Sa mesure peut être réalisée rapidement en s’appuyant sur la comptabilité analytique et sur une connaissance métier de la gestion des stocks.

Si réduire ce taux n’est pas un objectif en soi, l’exploiter pourra en revanche contribuer à réduire les stocks et les coûts induits.

Son utilisation peut être multiple et bénéficie aux niveaux stratégiques, tactiques et opérationnels de l’organisation Supply Chain.